304/0802. Priene (Priene). Décret concernant la prêtrise de Sarapis et Isis.
Bloc en marbre brisé à gauche, qui faisait sans doute à l'origine partie d'une anta. (h. 66 cm ; l. 26 cm ; p. 32 cm) trouvé remployé dans un mur tardif du sanctuaire isiaque. Lieu de consecvation inconnu, inv. 217.c. 200 a.C.d'après la paléographie.
[... à Sarapis et à Isis] et aux dieux [qui sont avec eux], le 20 [du mois d'Apatourion], le néope accomplira? [le ...] pour le [sacrifice? ...] donnera pour [...] le [sanctuaire? ...] 4? drachmes [...] [...] et pour le sacrifice à Sarapis [et à Isis], chaque année, [le 20] du mois d'Apatourion [...] deux [...]; le prêtre sacrifiera à Sarapis [...] et à Isis, [deux] des volailles traditionnelles, [et il les déposera sur la] table; il accomplira aussi les autres [sacrifices à] Sarapis, à Isis et aux dieux qui [sont avec eux] et la fête aux flambeaux pour la déesse comme [il est d'usage]; le prêtre [mettra] aussi [à disposition] pour la fête aux flambeaux [...] deux lampes d'un talent (chacune); [le prêtre] sacrifiera aussi à Apis aux temps prescrits [...] comme le prescrit le [...] établi? [...]; le néope déposera, sur la [part] provisionnelle d'orge, un quart, (sur celle) de froment, deux quarts [...] 7 oboles de bronze; [le prêtre] recrutera [aussi] l'Égyptien qui accomplira la [...]; il ne sera permis à personne d'autre, sans compétence, [de faire le sacrifice pour la] déesse, sinon par le prêtre; si quelqu'un d'autre, sans compétence, [le faisait, qu'il soit redevable] de 1000 drachmes et que [son] accusation soit faite [devant les] archontes; [...] il recevra, des [...] et une libation de vin [...] et des tables apprêtées [...]; des tables que le peuple [apprêtera, il donnera] pour ceux qui sont détenus par le dieu [...]; le prêtre [recevra] aussi du néope [l'argent? ...] prévu par [ce] décret [pour le sacrifice] qui est [accompli] le 20 du mois d'Apatourion; [...] prélever pour lui-même du vin [...] le prêtre [recevra] aussi de la part des [...] qu'ils soient [...]; qu'il purifie [le sanctuaire] avec une volaille [...]; que les (fonds) [provenant] du tronc à offrandes [soient donnés par le prêtre] aux dieux [...].
Th. Wiegand, H. Schrader, Priene, Berlin, 1904, p. 165 n° 3 ; F. Hiller von Gaertringen, Die Inschriften von Priene, Berlin, 1906, n° 195 ; F. Sokolowski, Lois sacrées de l’Asie Mineure, Paris, 1955, p. 101-104 n° 36 (SEG XV, 1958, 688 ; SIRIS, 291) ; W. Blümel, R. Merkelbach, Die Inschriften von Priene, Bonn, 2014, p. 395-397 n° 196.
CGRN
L. 2-3 la fête annuelle du 20 Apatouriôn, qualifiée de θυσία, correspond aux fêtes osiriennes du mois d’Hathyr, connues sous le nom générique d’Isia; sur celles-ci, voir n° 202/0801, le P.Ross.Georg. II 41 B col. III (Fayoum, IIe s. p.C.) et F. Perpillou-Thomas, Fêtes d’Égypte ptolémaïque et romaine, Louvain 1993, p. 94-100. L. 4 le néope, administrateur du sanctuaire, est un fonctionnaire de la cité, ce qui implique que le culte des divinités isiaques est alors public. Il est notamment chargé de percevoir les sommes versées par les acquéreurs de sacerdoces. Ici, il donne au prêtre les fonds et les provisions nécessaires au culte, un rôle assez similaire à celui de l'oikonomoi à Magnésie du Méandre (cf. n° 304/0701, l. 4 et 16). Il est sans doute à distinguer du néocore, probablement le fonctionnaire gardien du sanctuaire (cf. n° 304/0803). L. 5 [δεῖπνον] Sokolowski, [......] Vidman, qui donne en note la proposition de Sokolowski, RICIS; si la restitution est exacte, il pourrait s’agir de la cena Isiaca cf. n° 113/1006. L. 11 sur la τράπεζα, qui est plutôt, en règle générale, une table de banquet qu’une table d’offrandes, cf. nn° 202/0321, 202/0410 et 305/1301. L. 13 il s’agit de la λυχναψία isiaque (comparer le n° 501/0221); cf. les «porteuses de lampes» à Athènes, n° 101/0220 (λυχνάπτρια) et Délos, n° 202/0209 (λαμπτηροφόρος). L. 15 le poids de chaque lampe (1 talent = 26 kg) les désigne comme des luminaires sans doute non portatifs, mais plutôt placés en un endroit important le long du parcours de la procession. L. 16 νο[μιζομένοις] Hiller, νο[μίμοις] Wilcken, Sokolowski, Vidman. Il est rare de voir Apis cité dans nos documents; cf. nn° 104/0201, 301/1202 et la série d’inscriptions syriennes nn° 402/1001 à 402/1006. L. 20-21 la mention de la présence épisodique aux côtés du prêtre grec d’un Égyptien chargé de veiller à la bonne application de la liturgie et rémunéré pour ce faire est remarquable. Ce règlement, qui vise d’une certaine manière à préserver l’aspect « authentiquement égyptien » du culte, notamment grâce à l’expertise d’un tiers venant combler l’inexpérience en la matière du prêtre grec, est aussi conçu pour conforter la position du prêtre local vis-à-vis de la communauté et de marquer, en amont, son autorité sacerdotale, comme le montre la forte amende à acquitter en cas d’imposture (l. 23-25 ; cf. E. Stavrianopoulou, « Priester gesucht, Erfahrung erwünscht ! », dans C. Ambos et alii [éd.], Die Welt der Rituale. Von der Antike bis zur Gegenwart, Darmstadt 2005, p. 90-95). L. 23-25 l'amende très élevée, ajoutée au fait tout contrevenant doit être accusé devant les archontes, montre l'importance pour les autorités civiques de contrôler ce culte et d'en garantir "l'authenticité" par l'exécution adéquate des rituels qui le constituent. L. 26 pour l'utilisation et la consommation du vin dans les cultes isiaques, voir notamment le n° 304/0701, l. 27-28. L. 29 sur les κατόχοι, cf. P. Debord, Aspects économiques et sociaux de la vie religieuse dans l’Anatolie gréco-romaine, Leiden 1982, p. 92-94, B. Legras, Les reclus grecs du Sarapeion de Memphis, Leuven 2011. L. 37-38 il s'agit des redevances sacrificielles déposées dans le tronc, qui constituent une partie du trésor sacré appartenant à Sarapis et Isis. Sur le θησαύρος cf. n° 112/0502.
Ce règlement relatif aux modalités d’exercice de la prêtrise du sanctuaire isiaque de Priène fut gravé sur une grande pierre découverte dans le temple situé sur une terrasse dominant la partie orientale de la cité. Ce texte et deux autres inscriptions indiquent que le sanctuaire fonctionnait déjà à la fin du IIIe s. a.C. (ce que contestait P. M. Fraser, «Two studies on the cult of Sarapis in the hellenistic world», OpAth 3, 1960, p. 37). Vers la fin du IIe s. a.C., le sanctuaire subit de radicales modifications, probablement à la suite d’une catastrophe dans le quartier. Un temple, très probablement in antis, identifié erronément comme un autel par les premiers fouilleurs au tout début du XXe s. et daté par eux de l’époque hellénistique, se dressait sur un podium précédé d’escaliers. Il est à dater en fait du début de l’époque impériale, sans que l’on puisse à l’heure actuelle préciser davantage. Malgré d’importantes lacunes, ce texte livre de précieuses informations sur l’exécution des rituels dans le cadre des manifestations religieuses auxquelles le prêtre prenait part. Trois fêtes au moins sont mentionnées. Celle du 20 Apatouriôn correspond probablement aux fêtes osiriennes du mois d’Hathyr, connues sous le nom générique d’Isia. La procession des lampadeia est plus difficile à placer dans l’année, si tant est qu’elle n’avait lieu qu’une fois l’an. Une semblable procession apparaît dans les calendriers romains à la date du 12 août sous le nom de lychnapsia. C’est au cours de telles pompes qu’intervenaient les « porteuses de lampes» à Athènes (λυχνάπτρια, n° 101/0220) et Délos (λαμπτηροφόρος, n° 202/0209). Enfin, aux « dates accoutumées » (l. 10), signe que le culte est alors solidement établi à Priène, des sacrifices seront accomplis pour Apis, un dieu bien peu présent dans la sphère isiaque, avec l’assistance d’un expert venu d’Égypte. Comme souvent, les procédures de partage et de répartition font l’objet de bien des précisions et des règles à observer sous peine de pénalités élevées (1000 drachmes) imposées par la cité. La mention du néope, un fonctionnaire civique administrateur du sanctuaire, atteste un culte public. La règlementation gravée sur cette stèle peut dès lors avoir deux raisons d’être : soit elle définit précisément les droits et les devoirs du prêtre civique parce que le culte devient à ce moment-là officiel à Priène, soit elle précise les termes d’une prêtrise déjà publique depuis un certain temps dans le cadre de sa mise en vente.
Sur le temple, cf. R. Salditt-Trappmann, Tempel der ägyptischen Götter in Griechenland und and der Westküste Kleinasiens, Leiden 1970, p. 45-46 et F. Dunand, Le culte d’Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée. III Le culte d’Isis en Asie Mineure, Leiden 1973, p. 54-60.
Sur ce règlement très riche mais rendu très complexe par l'étendue des lacunes, voir les commentaires de W. Blümel et R. Merkelbach, de B. Le Guen-Pollet, La vie religieuse dans le monde grec du Vè au IIIè siècle avant notre ère, Toulouse 1991, n° 83 p. 223-228, d'E. Stavrianopoulou, « Norms of Public Behaviour Towards Greek Priests: Some Insights from the Leges Sacrae », dans P. Brulé (éd.), La norme en matière religieuse en Grèce ancienne, Liège 2009, p. 216-220 et de l'équipe du CGRN au n° 157 (en ligne).