302/0204. Κύμη (Kymè). Arétalogie d'Isis.
Grande stèle en marbre blanc surmontée d’un fronton orné d’une rosace,dans l’Isieion. Musée archéologique, IzmirIer s. p.C. ?
1 Δημήτριος Ἀρτεμιδώρου ὁ καὶ Θρασέας Μάγνη[ς]
ἀπὸ Μαιάνδρου Ἴσιδι εὐχήν·
2 Τάδε ἐγράφηι ἐκ τῆς στήλης τῆς ἐν Μέμφει, ἥτι-
ς ἕστηκεν πρὸς τῷ Ἡφαιστιήωι· 3a Εἶσις ἐγώ εἰ-
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μι ἡ τύραννος πάσης χώρας· 3b καὶ ἐπαιδεύθεν ὑπ[ὸ]
Ἑρμοῦ καὶ 3c γράμματα εὗρον μετὰ Ἑρμοῦ, τά τε ἱερὰ
καὶ τὰ δημόσια γράμματα, ἵνα μὴ ἐν τοῖς αὐτοῖς
πάντα γράφηται. 4 Ἐγὼ νόμους ἀνθρώποις ἐθέμην,
καὶ ἐνομοθέτησα ἃ οὐθεὶς δύναται μεταθεῖναι.
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5 Ἐγώ εἰμι Κρόνου θυγάτηρ πρεσβυτάτηι. 6 Ἐγώ εἰμι γ[υ]-
νὴ καὶ ἀδελφὴ Ὀσείριδος βασιλέως. 7 Ἐγώ εἰμι ἡ καρπὸν
ἀνθρώποις εὑροῦσα. 8 Ἐγώ εἰμι μήτηρ Ὥρου βασιλέως.
9 Ἐγώ εἰμι ἡ ἐν τῷ τοῦ Κυνὸς ἄστρῳ ἐπιτέλλουσα. 10 Ἐγώ
εἰμι ἡ παρὰ γυναιξὶ θεὸς καλουμένη. 11 Ἐμοὶ Βούβαστος
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πόλις ᾠκοδομήθη. 12 Ἐγὼ ἐχώρισα γῆν ἀπ´ οὐρανοῦ.
13 Ἐγὼ ἄστρων ὁδοὺς ἔδειξα. 14 Ἐγὼ ἡλίου καὶ σελήνη[ς]
πορέαν συνεταξάμην. 15Ἐγὼ θαλάσσια ἔργα εὗρον. 16 Ἐ-
γὼ τὸ δίκαιον ἰσχυρὸν ἐποίησα. 17 Ἐγὼ γυναῖκα καὶ ἄνδρα
συνήγαγον. 18 Ἐγὼ γυναικὶ δεκαμηνιαῖον βρέφος εἰς
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φῶς ἐξενεγκεῖν ἔταξα. 19 Ἐγὼ ὑπὸ τέκνου γονεῖς
ἐνομοθέτησα φιλοστοργῖσθαι. 20 Ἐγὼ τοῖς ἀστόρ-
γ<ω>ς γονεῦσιν διακειμένοις τειμω<ρ>ίαν ἐπέθηκα.
21 Ἐγὼ μετὰ τοῦ ἀδελφοῦ Ὀσίριδος τὰς ἀνθρωποφα-
γίας ἔπαυσα. 22 Ἐγὼ μυήσεις ἀνθρώποις ἐπέδε[ι]-
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ξα. 23 Ἐγὼ ἀγάλματα θεῶν τειμᾶν ἐδίδαξα. 24 Ἐγὼ
τεμένη θεῶν ἱδρυσάμην. 25 Ἐγὼ τυράννων ἀρ-
χὰς κατέλυσα. 26 Ἐγὼ φόνους ἔπαυσα. 27 Ἐγὼ στέρ-
γεσθαι γυναῖκας ὑπὸ ἀνδρῶν ἠνάγκασα. 28 Ἐγὼ
τὸ δίκαιον ἰσχυρότερον χρυσίου καὶ ἀργυρίου ἐποίη-
30
σα. 29 Ἐγὼ τὸ ἀληθὲς καλὸν ἐνομο[θέ]τησα νομίζε[σ]-
θαι. 30 Ἐγὼ συνγραφὰς γαμικὰς εὗρον. 31 Ἐγὼ διαλέκτους
Ἕλλησι καὶ βαρβάροις ἔταξα. 32 Ἐγὼ τὸ καλὸν αἰσχρὸ[ν]
διαγεινώσκεσθαι ὑπὸ τῆς φύσεως ἐποίησα. 33 Ἐγὼ
ὅρκου φοβερώτερον οὐθὲν ἐποίησα. 34 Ἐγὼ τὸν ἀδίκως
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ἐπιβουλεύοντα ἄλλοις {ἄλλῳ} ὑποχείριον τῷ ἐπιβου-
[λ]ευομένῳ παρέδωκα. 35 Ἐγὼ τοῖς ἄδικα πράσσουσιν
τειμωρίαν ἐπιτίθημι. 36 Ἐγὼ ἱκέτας ἐλεᾶν ἐνομοθ[έ]-
τησα. 37 Ἐγὼ τοὺς δικαίως ἀμυνομένους τειμῶ. 38 Πὰ-
ρ´ ἐμοὶ τὸ δίκαιον ἰσχύει. 39 Ἐγὼ ποταμῶν καὶ ἀνέμων
40
[κ]αὶ θαλάσσης εἰμὶ κυρία. 40 Οὐθεὶς δοξάζεται ἄνευ τῆς ἐ-
μῆς γνώμης. 41 Ἐγώ εἰμι πολέμου κυρία. 42 Ἐγὼ κεραυ-
νοῦ κυρία εἰμί. 43 Ἐγὼ πραϋνω καὶ κυμαίνω θάλασσαν.
44 Ἐγὼ ἐν ταῖς τοῦ ἡλίου αὐγαῖς εἰμί. 45 Ἐγὼ παρεδρεύω τῇ
τοῦ ἡλίου πορείᾳ. 46 Ὃ ἂν ἐμοὶ δόξῃ, τοῦτο καὶ τελεῖτα[ι].
45
47 Ἐμοὶ πάντ´ ἐπείκει. 48 Ἐγὼ τοὺς ἐν δεσμοῖς λύωι. 49 Ἐγὼ
ναυτιλίας εἰμὶ κυρία. 50 Ἐγὼ τὰ πλωτὰ ἄπλωτα ποι[ῶ ὅ]-
ταν ἐμοὶ δόξῃ. 51 Ἐγὼ περιβόλους πόλεων ἔκτισα. 52 Ἐ-
γώ εἰμι ἡ Θεσμοφόρος καλουμένη. 53 Ἐγὼ ν<ή>σσους ἐγ β[υ]-
[θ]ῶν εἰς φῶ<ς> ἀνήγαγον. 54 Ἐγὼ ὄμβρων εἰμὶ κυρία. 55 Ἐγὼ
50
τὸ ἱμαρμένον νικῶ. 56 Ἐμοῦ τὸ εἱμαρμένον ἀκούει.
57 Χαῖρε Αἴγυπτε θρέψασά με.
« Démétrios, fils d’Artémidôros, appelé aussi Thraséas, de Magnésie sur le Méandre (adresse) une prière à Isis. Ceci a été copié d’une stèle de Memphis, qui se trouve près du temple d’Héphaïstos. « 3a Moi, je suis Isis, la souveraine de toute contrée, 3b j’ai été instruite par Hermès 3c et j’ai inventé l’écriture avec Hermès, la sacrée et la démotique, afin qu’on ne dût pas tout écrire avec la même écriture. 4 Moi, j’ai donné aux hommes les lois, et j’ai décrété ce que personne ne peut changer. 5 Moi, je suis la fille aînée de Kronos; 6 je suis l’épouse et la soeur du roi Osiris; 7 je suis celle qui découvrit aux hommes les fruits; 8 je suis la mère du roi Horus; 9 je suis celle qui se manifeste dans l’étoile du Chien; 10 je suis celle qui est appelée «Déesse»parmi les femmes; 11 Pour moi, la ville de Boubastis a été édifiée. 12 J’ai séparé la terre du ciel; 13 j’ai indiqué leur route aux étoiles; 14 j’ai déterminé la voie du soleil et de la lune. 15 Moi, j’ai inventé la science nautique. 16 Moi, j’ai rendu le droit puissant. 17 Moi, j’ai accouplé la femme avec l’homme; 18 j’ai fixé à la femme comme terme le dixième mois pour mettre au monde son enfant; 19 j’ai ordonné que les parents fussent aimés de l’enfant; 20 j’ai infligé une punition aux parents qui ne manifestent pas de tendresse. 21 Moi, avec mon frère Osiris, j’ai fait cesser l’anthropophagie. 22 Moi, j’ai révélé aux hommes les initiations; 23 j’ai enseigné aux hommes d’honorer les statues des dieux; 24 j’ai fondé les sanctuaires des dieux. 25 Moi, j’ai renversé le gouvernement des tyrans; 26 j’ai arrêté les massacres. 27 Moi, j’ai obligé les époux à chérir leurs épouses. 28 Moi, j’ai rendu le droit plus puissant que l’or et l’argent; 29 j’ai ordonné que la vérité fut reconnue pour belle; 30 j’ai inventé les contrats de mariage. 31 Moi, j’ai fixé leur langue aux Hellènes et aux Barbares. 32 Moi, j’ai fait en sorte que le beau et le honteux fussent distingués par la Nature. 33 Moi, j’ai fait en sorte que rien ne fut plus terrible que le serment; 34 j’ai livré celui qui dresse injustement un piège aux autres aux mains de celui à qui il dresse le piège; 35 je punis ceux qui pratiquent la fraude. 36 Moi, j’ai ordonné d’avoir pitié des suppliants; 37 j’honore ceux qui se défendent justement; 38 Auprès de moi règne le droit. 39 Moi, je suis la souveraine des rivières, des vents et de la mer. 40 Personne n’atteint la gloire sans mon consentement. 41 Moi, je suis la souveraine de la guerre. 42 Moi, je suis la souveraine de l’éclair; 43 j’apaise la mer et y déchaine la tempête; 44 je suis dans la splendeur du soleil; 45 je fais route avec le soleil. 46 Ce que j’ai dans l’intention s’accomplit. 47 A moi, tout le monde obéit. 48 Je délie les liens. 49 Moi, je suis la souveraine de la navigation; 50 je rends les eaux navigables impraticables aux navires quand il me plaît. 51 Moi, j’ai fondé les remparts des cités. 52 Moi, je suis appelée la Législatrice. 53 J’ai fait surgir les îles des abîmes à la lumière. 54 Je suis la souveraine des pluies. 55 Je vaincs le destin; 56 A moi, le destin obéit. 57 Salut, Égypte qui m’a élevée. » »
A. Salač, BCH 51, 1927, p. 378-383 et pl. 15 (P. Roussel, « Un nouvel hymne grec à Isis», REG 42, 1929, p. 137-168 avec un intéressant commentaire ; IG XII Suppl., p. 98-99) ; I.Kyme, n° 41 p. 97-108 et pl. XI (M. Totti, Ausgewählte Texte der Isis- und Sarapis-Religion, Hildesheim - Zürich, 1985, n° 1 p. 1-4 ; cf. J. Bouzek, Ph. Kostomitsopoulos & I. Ondrejova, The Results of the Czechoslovak Expedition, Kyme II, Praha, 1980, p. 59 et pl. 39).
L. 21 ΑΣΤΟΡΓΟΙΣ la pierre.
L. 22 ΤΕΙΜΟΝΙΑΝ la pierre.
L. 35 ἄλλοις {ἄλλῳ} Salač, Roussel, Peek, Engelmann; {ἄλλοις} ἄλλῳ Harder.
L. 48 ΝΝΣΣΟΥΣ la pierre.
L. 49 ΦΩΝ la pierre.

L’Arétalogie d’Isis se présente comme l’énoncé, par la déesse elle-même, de ses nombreuses vertus (arétè) et des bienfaits qu’elle a dispensés aux humains. Cette formulation à la première personne du singulier, qui n’est pas inconnue de la littérature égyptienne, et que l’on trouve déjà au Nouvel Empire, permet à la divinité de se présenter, de s’identifier en se parant de certains qualificatifs et d’exposer les qualités qui sont les siennes. Plusieurs versions nous sont parvenues de ce texte dont celle-ci, a priori complète, exhumée en 1925 lors de la fouille d’un temple de Kymè par le savant tchèque A. Salač. L’existence de copies du même texte, presque au mot près, trouvées à Thessalonique (n° 113/0545) et Kassandreia (n° 113/1201), en Macédoine, à Ios dans les Cyclades (n° 202/1101) ou encore à Telmessos de Lycie (n° 306/0201), l’abrégé de Diodore (Bibl. Hist. I, XXVII, 3-4) font postuler l’existence d’une Arétalogie d’Isis en circulation dans le monde grec entre le IIIe s. a.C. et le IIIe s. p.C., même si aucune des versions conservées n’est cependant antérieure au milieu du Ier s. a.C. Diodore, qui rédigea sa Bibliothèque historique entre 43 et 30 a.C., offre un résumé de ce texte qu’il a pu rencontrer lui-même au cours de ses voyages ou, plus probablement, chez l’une ou l’autre des ses sources qui, en ce qui concerne les Aegyptiaca, furent certainement Hécatée d’Abdère, Agatharchide de Cnide ainsi peut-être qu’Artémidore de Daldis. Le texte original pourrait avoir été composé à Memphis dans le courant du IIIe s. a.C., lorsque se fait sentir, pour le clergé memphitique, le besoin religieux et peut-être surtout politique et économique de s’affirmer en Égypte comme le partenaire principal du nouveau pouvoir lagide, face aux prétentions du clergé thébain notamment.
Conçue en grec à partir d’un fort substrat égyptien auquel furent ajoutés divers éléments propres à toucher une population hellénisée (le renversement des tyrans, l’invention de la navigation, la mention des Hellènes et des Barbares, etc.), l’Arétalogie, dont la rédaction s’inscrit dans un processus diffusionnel hénothéiste fortement marqué, livre un condensé des multiples pouvoirs d’Isis et assure sa promotion. Elle y est déesse souveraine, solaire, démiurge, maîtresse des éléments, législatrice, inventrice de bienfaits nombreux pour les hommes (écriture, langues, temples, mystères), déesse des femmes et incarnation de la fonction maternelle, protectrice des naissances, des récoltes, maîtresse du destin. À cette litanie, ajoutons également qu’Isis est aussi, même si ce texte hymnique ne le dit pas, une déesse guérisseuse. À l’inverse de Sarapis, très hellénisé dès l’origine, Isis apparaît donc comme une divinité fondamentalement égyptienne qui, pour être acceptée dans le monde hellénique, a dû subir une interpretatio graeca.
L’aspect prosélyte de l’Arétalogie est intéressant, car au-delà des questions sur le contenu propre du texte arétalogique et son origine, qui ont longtemps retenu l’attention des commentateurs, la découverte récente de nouvelles copies, à Cassandreia et Telmessos soulève d’autres interrogations. Dont une, essentielle, celle des liens et des relais pouvant exister entre un certain clergé égyptien, peut-être memphite, et les sanctuaires isiaques du monde gréco-romain, mais aussi entre les sanctuaires eux-mêmes, et cela dès l’époque hellénistique : doit-on y voir une propagande concertée par un pouvoir centralisé – politique ou religieux –, une diffusion aléatoire au gré des voyages de tel ou tel fidèle, un enthousiasme dévot dégagé de toute influence extérieure ? D’ailleurs, le texte arétalogique a-t-il provoqué, accompagné ou suivi la fondation des sanctuaires où l’on en retrouva copie ? À ces questions, il n’est guère possible de répondre à l’heure actuelle.
Faut-il alors concevoir que la diffusion des cultes isiaques fut favorisée par l’activité prosélyte de missionnaires ? Ou bien faudrait-il ne voir dans ces textes qu’une simple propagande, dont il reste d’ailleurs à déterminer l’importance et le rôle réels ? L’historiographie du dernier demi-siècle a ainsi opposé la réception passive de populations hellénisées attirées par les valeurs sotériologiques des cultes isiaques au rôle actif du clergé (cf. J. Den Boeft, « Propaganda in the Cult of Isis, in Persuasion and Dissuasion in Early Christianity, Ancient Judaism and Hellenism », dans Contributions to Biblical Exegesis and Theology 33, 2003, p. 9-23). Il ne semble pas que l’une ou l’autre explication soit pleinement satisfaisante, car ce serait négliger le rôle des individus et des associations religieuses.
Les versions de Kymè, Ios et Cassandreia, dont le début nous a été conservé, sont de fait toutes trois précédées d’une dédicace aux divinités isiaques, et suivies donc d’un texte que l’on peut supposer avoir été communiqué aux dévots par les instances religieuses du sanctuaire.

L’archétype de ce texte fut établi par R. Harder, Karpokrates von Chalkis und die memphitische Isispropaganda, Berlin 1943, p. 20-21 et analysé par D. Müller, Ägypten und die griechischen Isis-Aretalogien, 1961. Parmi les multiples études consacrées à ce texte, mentionnons A.-J. Festugière, « A propos des arétalogies d’Isis», HThR 42, 1949, p. 209-234, J. Bergman, Ich bin Isis, Uppsala 1968 avec la réponse de D. Müller, « I am Isis», OLZ 67, 1972, col. 117-130, A. Henrichs, «The Sophists and Hellenistic Religion. Prodicus as the Spiritual Father of the Isis Aretalogies», dans Actes du VIIè Congrès de la Fédération Internationale des associations d’Études Classiques, Budapest 1984, I, p. 339-353 (communication reprise dans HSPh 88, 1984, p. 139-158), C. Veligianni-Terzi, « Bemerkungen zu den griechischen Isis-Aretalogien », Rheinisches Museum für Philologie CXXIX, 1986, p. 63-76, T. M. Dousa, « Imagining Isis: on Some Continuities and Discontinuities in the Image of Isis in Greek Hymns and Demotic Texts », dans K. Ryholt [éd.], Acts of the Seventh International Conference of Demotic Studies. Copenhagen, 23-27 August 1999, Copenhague 2002, p. 149-184, et J. F. Quack, « "Ich bin Isis, die Herrin der beiden Länder." Versuch zum demotischen Hintergrund der memphitischen Isisaretalogie », dans S. Meyer [éd.], Egypt – Temple of the Whole World. Studies in Honour of Jan Assmann, Leyde-Boston 2003, p. 319-365.