114/0202. Maroneia (Maroneía). Arétalogie d'Isis.
Stèle en marbre, cassée en haut et en bas, intacte sur les côtés.lieu-dit Kambana. Κομοτηνή, μουσείο, inv. 963.Fin du IIe a.C.
[---] αὐτῆς
[--- ἐ]άμβανον γὰρ
[---]ν θεωρήσειν, ὅταν πρὸς τὸ μέγεθος
[τῆς σῆς εὐε]ργεσίας οἱ λόγοι τῶν ἐπαίνων μὴ ἐλλίπωσιν· ἧι δέ
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[σε ἐ]ρωτᾷ τὸ μὲν ἐγκωμίου, τὸ δὲ προσώπου θεῶι κείμενον,
[οὐκ ἀν]θρώπωι· ὥσπερ οὖν ἐπὶ τῶν ὀμμάτων, Ἷσι, ταῖς εὐχαῖς
[ἐπήκ]ουσας, ἐλθὲ τοῖς ἐπαίνοις καὶ ἐπὶ δευτέραν εὐχήν·
[κα]ὶ γὰρ τὸ σὸν ἐγκώμιον τῶν ὀμμάτων ἐστὶ κρεῖσσον
[ἄπ]αν· οἷς ἔβλεψα τὸν ἥλιον, τούτοις καὶ τὸν σὸν βλέπω κόσμον·
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πείθομαι δὲ πάντως σε παρέσεσθαι· εἰ γὰρ ὑπὲρ τῆς ἐμῆς καλουμέ-
νη σωτηρίας ἦλθες, πῶς ὑπὲρ τῆς ἰδίας τιμῆς οὐκ ἂν ἔλθοις; θαρ-ρῶν οὖν πορεύομαι πρὸς τὰ λοιπά, γινώσκων ὅτι τὸ ἐγκώμιον,
ρῶν οὖν πορεύομαι πρὸς τὰ λοιπά, γινώσκων ὅτι τὸ ἐγκώμιον,
νοῦς μὲν θεοῦ, χεῖρες δὲ γράφουσιν ἀνθρώπου· καὶ πρῶ-
τον ἐπὶ τὸ γένος ἥξω, τῶν ἐγκωμίων ποιησάμενος ἀρχὴν
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τὴν πρώτην σου τοῦ γένους ἀρχήν· Γῆν φασι πάντων μη-
τέρα γενηθῆναι· ταύτηι δὲ σὺ θυγάτηρ ἐσπάρης πρώτηι·
σύνοικον δ´ ἔλαβες Σέραπιν, καὶ τὸν κοινὸν ὑμῶν θεμένων γάμον
τοῖς ὐμετέροις προσώποις ὁ κόσμος ἀνέλαμψεν ἐνομματισθεὶς
Ἡλίωι καὶ Σελήνηι· δύο μὲν οὖν ἐστε, καλεῖσθε δὲ πολλοὶ παρ´ ἀν-
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θρώποις· μόνους γὰρ ὁ βίος ὑμᾶς θεοὺς οἶδεν· πῶς οὖν τῶν
ἐγκωμίων οὐ δυσκράτητος ὁ λόγος ὅταν δέηι τὸν ἔπαινον
πολλοῖς θεοῖς προναῶσαι; Αὕτη μεθ´ Ἐρμοῦ γράμμαθ´ εὖρεν
καὶ τῶν γραμμάτων ἃ μὲν ἱερὰ τοῖς μύσταις, ἃ δὲ δημόσια
τοῖς πᾶσιν· αὕτη τὸ δίκαιον ἔστησεν ἵν´ ἔκαστος ἡμῶν,
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ὡς ἐκ τῆς φύσεως τὸν θάνατον ἴσον ἔσχεν, καὶ ζῆν ἀπὸ τῶν
ἴσων εἰδῆι· αὕτη τῶν ἀνθρώπων οἷς μὲν βάρβαρον, οἷς δ´ ἐλλη-
νίδα διάλεκτον ἔστησεν, ἵν´ ἦι τὸ γένος διαλλάσσον μὴ μό-
νον ἀνδράσιν πρὸς γυναῖκας ἀλλὰ καὶ πᾶσι πρὸς πάντας·
[σ]ὺ νόμους ἔδωκας, θεσμοὶ δ´ ἐκαλοῦντο κατὰ πρώτας· τοι-
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[γα]ροῦν αἱ πόλεις εὐστάθησαν, οὐ τὴν βίαν νομικὸν ἀλλὰ
[τ]ὸν νόμον ἀβίαστον εὐροῦσαι· σὺ τιμᾶσθαι γονεῖς ὑπὸ
[τ]έκνων ἐποίησας, οὐ μόνον ὡς πατέρων, ἀλλ´ ὡς καὶ θεῶν
[φ]ροντίσασα· τοιγαροῦν ἡ χάρις κρείσσων ὅτε τῆς φύσε-
ως τὴν ἀνάγκην καὶ θεὰ νόμον ἔγραψεν· σοὶ πρὸς κατοίκησιν
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Αἴγυπτος ἐστέρχθη· σὺ μάλιστα τῆς Ἑλλάδος ἐτίμησας τὰς
Ἀθήνας· κεῖθι γὰρ πρῶτον τοὺς καρποὺς ἐξέφηνας· Τριπτόλε-
μος δὲ τοὺς ἱεροὺς δράκοντάς σου καταζεύξας ἀρματοφο-
ρούμενος εἰς πάντας Ἕλληνας διέδωκε τὸ σπέρμα· τοιγαροῦν
τῆς μὲν Ἑλλάδος ἰδεῖν σπεύδομεν τὰς Ἀθήνας, τῶν δ´ Ἀθη-
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νῶν Ἐλευσῖνα, τῆς μὲν Εὐρώπης νομίζοντες τὴν πόλιν, τῆς
δὲ πόλεως τὸ ἱερὸν κόσμον· ἔγνω τὸν βίον ἐξ ἀνδρὸς
συνεστηκότα καὶ γυναικὸς· ἔγνω [..........]τερον τὴν γυ-
ναῖκα· πῶς ἔδει τὸ ἧσσον[---]
[....]ν ἐσφραγισ[---]
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« [...] si les mots ne me manquent pas devant la grandeur de tes bienfaits; voilà pourquoi je t’adresse cette prière; mes facultés visuelles sont redevables à la déesse, et non aux hommes. Ainsi, de même que tu as exaucé, Isis, les prières que je t’adressais au sujet de mes yeux, viens pour les louanges que je te destine, en réponse encore à une seconde prière; ton éloge en effet a plus d’importance que mes yeux : avec ces yeux avec lesquels j’ai vu le soleil, maintenant je vois la gloire qui est la tienne; je suis convaincu de toute façon que tu m’assisteras; si en effet tu es venue, alors que je t’invoquais pour mon salut, comment ne viendrais-tu pas quand il s’agit de t’honorer toi-même (?) C’est donc avec confiance que je m’avance pour la suite (de ma composition), sachant que l’éloge c’est l’esprit de la divinité et les mains de l’homme qui le rédigent. Et d’abord j’en viendrai à ta race, en commençant mes éloges par l’origine première de ta race. La terre, dit-on, devint la mère de tout; elle, qui est la première, t’a eue pour fille; tu as pris Sérapis comme compagnon, et, après que vous vous soyez mariés, le monde a resplendi par vos visages, placé sous les regards d’Hélios et de Séléné; ainsi, vous êtes deux mais on vous invoque sous de nombreux noms chez les hommes; la vie en effet vous connaît seuls comme dieux. Comment donc le sujet des éloges ne serait-il pas difficile quand il faut faire commencer la louange par l’évocation de nombreux dieux (?) Elle a découvert avec Hermès les écrits, et parmi ceux-ci, les écrits sacrés pour les mystes, et les écrits à caractère public pour tous. Elle a institué la justice, afin que chacun de nous, de même que la nature l’a rendu égal aux autres face à la mort, puisse vivre aussi dans des conditions d’égalité. Elle a institué la langue pour les hommes, pour les uns la langue barbare, pour les autres la langue grecque, afin que les races vivent en harmonie, non seulement les hommes avec les femmes, mais encore tous avec tous. Tu as donné les lois, on les appelait thesmoi à l’origine. Voilà pourquoi les villes ont été solidement établies, car elles trouvèrent, non pas la violence érigée en loi, mais la loi sans la violence. Tu as fait en sorte que les enfants honorent leurs parents, te souciant de ces derniers en les considérant non seulement comme des parents, mais encore comme des dieux. Voilà pourquoi la reconnaissance est plus grande lorsque c’est une déesse aussi qui a fait de la nécessité naturelle une loi. L’Égypte t’a plu comme lieu de séjour; de la Grèce, tu as surtout honoré Athènes; c’est là en effet que pour la première fois tu as révélé les fruits de la terre. Triptolème, après avoir mis sous le joug tes serpents sacrés, distribua, emporté sur son char, la semence à tous les Grecs; voilà pourquoi nous avons à coeur d’aller voir, dans la Grèce Athènes, et dans Athènes Éleusis, en estimant que la cité est la parure de l’Europe, et que le sanctuaire est la parure de la cité. Elle a décrété que la vie procède de l’homme et de la femme. Elle a décrété que la femme [...]. »
Y. Grandjean, Une nouvelle arétalogie d’Isis à Maronée, Leyde, 1975, p. 17-21 (trad.) ; R. Merkelbach, “Zum neuen Isistext aus Maroneia”, ZPE 23, 1976, 234-235 (SEG XXVI, 1976, 821; Bull., 1977, 287 ; M. Tacheva-Hitova, EPROEastern Cults in Moesia inferior and Thracia (5th cent. BC - 4th cent. AD) 95, Leyde, 1983, p. 29-31 n° I, 50 ; M. Totti, Ausgewählte Texte der Isis- und Sarapis-Religion,, Hildesheim - Zürich, 1985, p. 60-61 n° 19 ; G. H. R. Horsley, New Documents Illustrating Early Christianity, 1. A Review of the Greek Inscriptions and Papyri published in 1976,, North Ryde, 1981, p. 10-16 n° 2 ; F. W. Danker, Benefactor. An Epigraphic Study of a Graeco-Roman and New Testament Semantic Field,, St. Louis, 1982, [non vidi]) ; L. D. Loukoupoulou et al., Inscriptiones antiquae partis Thraciae quae ad ora maris aegaei sita est (Praefecturae Xanthes, Rhodopes et Hebri),, Athènes – Paris, 2005, p. 383-385 n° E205 et pl. 51; cf. D. Papanikolaou, “The Aretalogy of Isis from Maroneia and the question of Hellenistic "Asianism"”, ZPE 168, 2009, p. 59-69.
L. 3 ΘΕΣΡΗΣΕΙΝΟΙΑΝ Grandjean; θεωρήσειν, ὅταν Merkelbach.
L. 4 ΗΙΔΕ Grandjean; ἧι δέ Merkelbach.
L. 5 [...]ρωτα Grandjean, [σε ἐ]ρωτᾷ Merkelbach, RICIS, [τὰ π]ρῶτα Loukoupoulou.
L. 6 [οὐκ ἀν]θρώπωι Grandjean (p. 24), Merkelbach.
L. 9 [.]ΑΝΟΙΣ ἔβλεψα Grandjean, [ἄπ]αν· οἷς ἔβλεψα Merkelbach, RICIS, Loukoupoulou, [ὅτ]αν ἔβλεψα Horsley, Danker

Ce texte, qui a dû appartenir au sanctuaire isiaque de Maronée, est un enkômion, un éloge littéraire composé selon les règles d’un genre en faveur dans la Grèce d’alors, gravé sans doute à la suite de la victoire qu’il aurait permis à son auteur de remporter dans un concours d’éloges. Dans le cas présent, sa rédaction répond à une situation concrète, une guérison miraculeuse servant d’introduction aux louanges. Sauvé d’une ophtalmie par Isis, le poète invoque le précédent de cette première intervention pour réclamer sa présence une seconde fois.
Fortement inspiré de l’Arétalogie « memphite » (n° 302/0204), cet éloge présente un certain nombre de particularités qui l’écartent du texte-type. Ainsi, les éléments par trop égyptiens ont été supprimés par l’auteur grec : Osiris a cédé la place à Sarapis, les allusions à Sothis, à Boubastis ont disparu, l’Égypte n’est plus qu’un simple lieu de séjour pour Isis, non sa terre originelle.
En revanche, certains thèmes grecs prennent place dans le développement : réminiscences platoniciennes sur l’inspiration poétique, affirmation de la polyonymie divine si chère aux Grecs, filiation inédite d’Isis et surtout un long développement sur Isis, Déméter et le cycle éleusinien. Cette mise en relation appuyée entre Isis et Éleusis laisse supposer l’existence de mystères isiaques influencés par le modèle éleusinien, en Grèce, dès avant l’époque impériale, ou, tout au moins, témoigne de l’engouement pour les mystères, arme politique et religieuse du renouveau athénien.
De fait, la volonté d’hellénisation de la déesse est telle que l’on peut considérer ce texte comme une véritable interpretatio graeca du texte originel, que l’on ne peut que supposer connu de notre poète, confirmation, s’il en était encore besoin, de l’origine égyptienne de l’Arétalogie et de sa date ancienne. Les versets risquant d’être incompris des Grecs ont été purement et simplement supprimés. Quant à savoir si l’Arétalogie officielle était destinée uniquement aux Grecs, ou bien si elle s’adressait aux Grecs et aux Égyptiens de la diaspora, voilà qui est difficile à préciser.

Pour un commentaire linéaire de ce texte, voir l’ed. pr. de Grandjean.